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Que lire, avant, pendant et après un voyage au Japon ?

 

Pavillon d’Or, Kyoto

Il y a bien sûr les guides touristiques comme « Lonely Planet », « le Guide du routard » ou « le Guide bleu » pour ne citer que ces trois-là, mais, bien que pratique, ils ont leurs limites ! La littérature nippone ou les récits des voyageurs nous en apprennent souvent beaucoup plus sur le pays du soleil levant (et cela vaut d’ailleurs pour n’importe lequel voyage en terre inconnue) !

Alors, partons en voyage en lisant, en ayant lu des livres et rentrons en poursuivant la lecture afin de mieux comprendre ce que l’on a vu !

Dressons ici un petit inventaire non exhaustif et quelque peu arbitraire de la littérature nippone.

Ecrivaines nippones !
Ecrivaines nippones !

Petit historique de la littérature japonaise : Elle naquit aux alentours du VIIe siècle. Elle fut d’abord fortement influencée par la littérature chinoise (comme ce fut le cas pour la plupart des arts et technologies sino-japonaises de cette époque). Puis pendant la période Edo (1603 – 1868) où les shoguns du clan Togukawa prônèrent une politique d’isolement stricte (dite du Sakoku), le Japon développa et acquit une culture et une littérature propre. En 1868 advient l’ouverture commerciale forcée du Japon au reste du monde (ère Meiji 1868 – 1912), la littérature subit alors une influence de l’Occident et su s’adapter -comme toujours-. Apparut ainsi la littérature nippone moderne qui donna et donne toujours des écrivains parmi les plus grands du XXe et du XXIe siècle.

Il existe de nombreuses « bibliothèques idéales » de la littérature japonaise, en voici une chronologique, car il faut bien débuter quelque part.

Commençons par l’incontournable chef-d’œuvre considéré comme un des livres fondateurs de la littérature japonaise et un trésor de la littérature universelle : “ Le Dit du Genji“. Roman d’une grande finesse poétique écrit entre 1005 et 1014 par une femme : Muraski Shikibu. Elle y narre les intrigues politico-amoureuses de la cour de Heian (Kyoto) et fait un récit satirico-merveilleux qui tourne autour de Genji (un prince « charmant »). Ce sont ici les femmes, et non le prince, qui orchestrent cette fresque raffinée des mœurs de la cour, une histoire subtilement sensuelle.

Un autre livre essentiel écrit également par une femme Sei Shônagon : “Notes de chevet“. Elle rédigea ce livre d’une grande beauté dans les premières années du XIe siècle, à l’apogée de la civilisation de Heian. Kyôto s’appelait alors Heiankyô, c’est-à-dire « Capitale de la Paix » ! Composé « d’écrits intimes » (sôshi) aux titres poétiques : « choses belles à voir le soir», « choses qui font battre le cœur », « choses qui ne font que passer », etc.

Avec “Les heures oisives“ de Urabe Kenkô et les “Notes de ma cabane de moine“ de Kamo no Chômei (autres récits capitaux de cette époque), “les Notes de chevet“ de Sei Shônagon proposent des tableaux, des portraits, de courtes histoires qui démontrent un art de vivre.

Si Muraski Shikibu (“Dit du Genji“) est associée à la blanche fleur du prunier (un peu froide !), Sei Shônagon est comparée à la fleur rose du cerisier (plus touchante !).

Faisons un saut dans le temps avec Natsume Sôseki (1867-1916) qui écrivit notamment “Je suis un chat“ en 1905. Une satire pleine d’humour sur la société japonaise de l’ère Meiji (1868 – 1912) en pleine révolution industrielle, politique et culturelle, à travers la vision d’un chat. Le traducteur conclut sa préface en affirmant que « Je suis un chat » «suffit amplement à démentir l’opinion si répandue selon laquelle les Japonais manquent d’humour». Sôseki écrivit également “Botchan“ (1906) un des romans les plus populaires au Japon que tous les écoliers lisent pendant leurs études.

Passons maintenant à un écrivain majeur et prix Nobel en de littérature (1968) : Yasunari Kawabata (1899-1972). Il est l’auteur de nombreux chefs-d’œuvre comme “Pays de neige“ (1935), “La danseuse d’Izu“ (1926), “Le lac“ (1935), “Les belles endormies“ (1960) …  Peut-être peut-on emporter en voyage “Kyoto“ écrit en1962 !? On y découvre le Kyoto des années 60 à travers deux jumelles orphelines. Kawabata y évoque la décadence sociale et morale du pays, tout en espérant que la capitale impériale pourra garder sa beauté, son atmosphère sacrée et éternelle…

Autre écrivain majeur – avec qui Kawabata a entretenu une correspondance sur plus de vingt-cinq ans -, Yukio Mishima (1925-1970). Sa vie est un roman au dénouement tragique, puisqu’en 1970 alors qu’il est au sommet de sa gloire et, après un discours glorifiant le Japon impérial, il se fit seppuku (hara-kiri) selon le rituel des samouraïs. Il écrivit des chefs-d’œuvre comme “Confession d’un masque“ (1949) une autobiographie, “Les amours interdites“ (1951) où il évoque l’homosexualité prohibée dans le Japon d’après-guerre, “Neiges de printemps“ (publié entre 1965 et 1967) où deux amants essayent de vivre leurs amours, nostalgiques d’une époque révolue et surannée. Mais en vue d’une visite à Kyoto et avant de visiter le pavillon d’Or de l’ancienne capitale impériale, il est vivement conseillé de lire ce grand roman qu’est “ le Pavillon d’Or“ (1950). L’auteur s’inspire d’un fait réel, l’incendie criminel du Kinkaku-ji (le Pavillon d’Or) par un moine frustré et jaloux de sa sublime beauté.

Le deuxième prix Nobel japonais, c’est Kenzaburō Ōé (1935 – 2023). Il reçut cette distinction prestigieuse pour l’ensemble de son œuvre «qui, avec une grande force poétique, crée un monde imaginaire où la vie et le mythe se condensent pour former un tableau déroutant de la fragile situation humaine actuelle». Il fut un citoyen engagé, un écrivain humaniste qui prôna le pacifisme et la démocratie, militant contre l’énergie nucléaire. Il est l’auteur de romans, d’essais et de nouvelles qui dépeignent le sombre Japon d’après-guerre dont “ Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants“ (1958) relatant les exploits de 15 adolescents d’une maison de correction, évacués en temps de guerre vers une ville de montagne reculée ; “Dites-nous comment survivre à notre folie“ (quatre nouvelles écrites en 1969) ; “Une question personnelle“ (1964) narrant la terrible odyssée de Bird, un jeune professeur d’anglais débordé par son quotidien dans le Japon contemporain.

Plus chevaleresque et picaresque, les livres d’Eiji Yoshikawa (1892 – 1962) comme “La Pierre et le Sabre“ et “La parfaite Lumière“ qui parurent initialement sous la forme de feuilleton de 1935 à 1939. Ils relatent la vie et le parcours initiatique de Miyamoto Musashi (1584 – 1645), un célèbre samouraï du XVIIe siècle, qui veut comprendre le sens de la vie en perfectionnant son art.

Autre écrivain majeur, Yasushi Inoué (1907 – 1991). Il écrivit de fabuleuses biographies romancées sur Gengis Khan (“Le Loup Bleu“ paru en 1959) et sur Kubilaï Khan (“Vents et vagues“ paru en 1963), mais s’intéressa aussi à son pays natal : “Le Fusil de chasse“ (1962) un recueil de nouvelles, “La maison de thé“ (1981) qui narre la mort par seppuku d’un grand maitre de la cérémonie du thé en pleine guerre féodale (XVIe siècle) et le questionnement de son disciple le moine Honkakubō par-delà la mort. Ou “Le sabre des Takeda“ (2008) qui décrit les batailles du XVIe siècle à travers Y. Kansuke « un nain, borgne, boiteux, de teint noir et marqué de petite vérole, devenu un chef mémorable, le stratège génial et secret du seigneur du clan des Takeda ».

Comme auteur contemporain, on se doit de citer l’écrivain japonais le plus lu dans le monde, véritable star au Japon, pressenti depuis des années pour le Nobel : Haruki Murakami (né en 1949). Quoi de mieux que de lire un livre de Murakami pour se plonger dans le Japon actuel !? Passionné de course à pied (“Autoportrait de l’auteur en coureur de fond“ paru en 2009) et de Jazz, il a écrit de nombreux romans, essaies, nouvelles… dont “Kafka sur le rivage“ (2002) son grand roman, “La ballade de l’impossible“ (1987) le livre qui l’a révélé, “Chronique de l’oiseau à ressort“ (1995), “L’incolore Tsukuru Tazaki et les années de pèlerinage“ (2013), “1Q84“ (3tomes de 2009 à 2010), “Les amants du Spounik“ (1999),“La course du mouton sauvage“ (1982)… Son dernier livre vient de sortir au Japon « La ville et ses murs incertains » 

Quel livre de Murakami peut-on conseiller de lire en voyage ? Peut-être “Kafka sur le rivage“ ? Que lire en premier ? Peut-être “ L’incolore Tsukuru Tazaki et les années de pèlerinage“.

Voilà quelques suggestions de lecture, mais il faudrait bien sûr en citer tant d’autres, comme Ito Ogawa (née en 1973) et son “restaurant de l’amour retrouvé“ un chef-d’œuvre gastronomique et littéraire paru en 2015 ; Yōko Ogawa (née en 1962) auteure de « La formule préférée du professeur“ un roman subtil sur la mémoire égarée, la filiation à travers 3 générations paru en 2008 ; Durian Sugekawa (né en 1962) auteur de “Les délices de Tokyo“ une ode à la cuisine et à la vie paru en 2017; Ryû Murakami (né en 1952) auteur de “Bleu presque transparent“ un roman trash paru en 1976, etc.

Rajoutons quand même à notre liste quelques polars à emporter en voyage : “Le Village aux Huit tombes“ de Yatsu haka-mura (1950) un polar au temps des Samouraïs, “Ikebukuro West Gate Park II“ de Ira Ishida (2011) grand succès au Japon il inspira un célèbre manga, “Tokyo express“ de Seicho Matsumoto (1989) un polar ferroviaire, “Fantômes et Samouraïs“ de Kidô Okamoto (2007) le détective Hanshichi mène l’enquête à Edo, “Irezumi“ de Akimitsu Takagi (2018) un excellent polar dans le Tokyo de 1947 …

Et, pour conclure, ne pas oublier un recueil d’Haïku (courts poèmes japonais) à emporter partout avec soi ! “Haïku : Anthologie du poème court“ !                                                              

«Chaque jour en voyage, il fait du voyage sa demeure» Matsuo Bashô (1644 – 1694).                                                                                                                         

 

Grâce à ses livres, on peut mieux comprendre la culture de ce pays fascinant et complexe avant, pendant ou après un voyage au Pays du Soleil Levant avec Planète Découverte bien sûr !

 

Bonne lecture et bon voyage en bonne compagnie !

 

 

Pierre