Sur les traces d’Alexandra David-Néel
Sur les traces d’Alexandra David-Néel
Le plus grand explorateur du XXème siècle est une femme !
Véritable figure emblématique du voyage au début du XXème siècle, Alexandra David-Néel est avant tout une femme libre qui fût à la fois journaliste, actrice, cantatrice, écrivaine, féministe, photographe, anarchiste, exploratrice, orientaliste, tibétologue, franc-maçonne et bouddhiste convaincue…
50 ans après sa mort en 1969 à l’âge de 101 ans, elle continue de fasciner les êtres épris de voyages, d’aventures et de liberté par son esprit anticonformiste, par sa farouche indépendance et sa modernité. Elle va marquer son époque où très peu de femmes pouvaient s’échapper seules pour l’Orient et, pour toutes les générations suivantes, elle reste un modèle.
Ses nombreux voyages vont la mener de Ceylan (actuel Sri Lanka) au Sikkim, en passant par le Japon, l’Inde, la Chine, la Corée, la Mongolie et le Tibet… Grâce à ses nombreux ouvrages (récits de voyage, ouvrages érudits sur le bouddhisme et même un roman policier !) elle va influencer et faire rêver plusieurs générations de femmes et d’hommes. Elle va également participer à faire connaître le Tibet et le bouddhisme lamaïste tibétain en Occident. Mais elle est principalement reconnue pour être la première femme occidentale à entrer à Lhassa en 1924, la mystérieuse cité interdite du Tibet !
Louise Eugénie Alexandrine Marie David surnommée Nini, plus connue sous le nom d’Alexandra David-Néel est née à Saint-Mandé près de Paris en 1868 d’un père français ex-instituteur protestant devenu journaliste républicain et d’une mère belge catholique très pieuse. Très tôt sa soif de vagabondage se manifeste, elle fait sa première fugue à 15 ans pour s’enfuir en Hollande et tente de se rendre en Angleterre. Deux ans plus tard, elle récidive cette fois en direction de la Suisse et de l’Italie, en franchissant à pied le col du Saint-Gothard (marche qui préfigure les longs périples à venir ).
À partir de 1868, elle lutte pour la libération des femmes en collaborant au journal féministe autogéré « La Fronde ». Proche du géographe libertaire Elisée Reclus, elle développe progressivement des convictions anarchistes et rédige un essai intitulé « Pour la vie » si contestataire que personne ne veut le publier.
Elle fait une partie de ses études à Londres où, en quête de vérité, elle commence à s’intéresser aux philosophies orientales, elle y apprend le sanscrit et le tibétain. Lors d’un séjour à Paris, ce serait en visitant le musée Guimet que serait née sa vocation d’orientaliste ! A la société de théosophie de Paris, elle étudie l’Hindouisme, les Veda, le Bhagavad-Gitta (écrits fondamentaux de l’Hindouisme)…
En 1891 l’appel de l’Orient l’emporte, elle va entreprendre son premier grand voyage vers l’Asie, d’abord l’île de Ceylan, puis elle gagne les Indes, Maduraï, Bénarès… avant de rentrer sans un sou en France.
De retour, elle s’adonne de nouveau à son autre passion qui est l’art lyrique ! Elle obtient un prix de chant et elle débute alors une carrière de cantatrice. Pendant plusieurs années, elle va grâce à ce talent acquérir une indépendance financière. Elle va triompher en chantant à l’opéra d’Hanoï, de Paris, d’Athènes… Son parcours hors du commun la mène à l’opéra de Tunis où elle rencontre son futur époux, Philippe Néel, un dandy fortuné. Ils se marient en 1904, avec l’approbation du père d’Alexandra selon les règles de l’époque.
En 1911 (elle a 43 ans), elle ne peut se résigner à sa vie de femme mariée et annonce à son mari son départ en Inde pour 18 mois afin de poursuivre ses recherches sur le Bouddhisme. Elle ne reviendra que 14 ans plus tard ! Plutôt que de divorcer, il l’incite à ce qu’elle reprenne ses voyages et ne cessera de la soutenir financièrement. Tous deux entretiendront une correspondance jusqu’à la mort de son mari en 1941, avec plus de 3000 lettres échangées.
« Je suis une sauvage mon bien cher, mets-toi cela en tête. Toute la civilisation occidentale me dégoûte. Je n’aime que ma tente, mes chevaux et le désert ». Journal de voyage (t. 1) : Lettres à son mari.
Pendant ses années de recherche et de méditation au Sikkim dans l’Himalaya Indien à plus de 4000 mètres d’altitude, elle va suivre les enseignements au monastère de Lachen de son maitre Bouddhiste, le Gomchen. Elle y obtient le titre de « lampe de sagesse ».
En 1912, elle part faire un pèlerinage à Calcutta avec dans ses bagages de nombreuses photos et plusieurs carnets de notes qui lui serviront plus tard à écrire son œuvre, de là elle continue vers Bénarès et le Népal.
En 1914, de retour au Sikkim dans « la demeure de la grande paix », elle engage un boy âgé de 14 ans nommé Aphur Yongden. Ce jeune serviteur tibétain, qu’elle va rapidement considérer comme son fils (qu’elle finira d’ailleurs par adopter), ne la quittera plus jamais !
Pendant ce séjour dans l’Himalaya Indien, elle réussira même à obtenir une audience avec le 13ème Dalaï-Lama (le prédécesseur de l’actuel Dalaï-Lama) à Kalimpong (Inde), fait exceptionnel pour une Occidentale à cette époque.
Sa détermination d’aller vers le « Tibet interdit » et sa mythique capitale Lhassa s’intensifie. C’est depuis longtemps son rêve le plus cher ! Et en 1923 (âgée de 56 ans) bravant l’interdit, elle part à pied vers le toit du monde avec Yongden. Ne pouvant pas atteindre le Tibet directement par l’Inde, car l’administration britannique lui interdit, elle prend des chemins détournés. Elle passe par la Corée, la Mongolie puis la Chine. Elle débute son périple himalayen depuis la région du Yunnan (une province chinoise) jusqu’à Lhassa (qui n’est pas encore une province chinoise !?). Une marche épique, éprouvante et terriblement dangereuse où elle risque à chaque instant au mieux l’expulsion au pire leurs vies !? Son stratagème se fondre dans un groupe de pèlerins bouddhistes en se faisant passer pour une mendiante. Elle vécut ainsi cette rude expérience en évitant les villages, en couchant à la belle étoile et en mendiant sa nourriture comme les pèlerins les plus pauvres du pays.
« Pendant des jours, nous marchions dans la demi-obscurité d’épaisses forêts vierges, puis, soudain, une éclaircie nous dévoilait des paysages tels qu’on n’en voit qu’en rêve. Pics aigus pointant haut dans le ciel, torrents glacés, cascades géantes dont les eaux congelées accrochaient des draperies scintillantes aux arêtes des rochers, tout un monde fantastique, d’une blancheur aveuglante, surgissait au-dessus de la ligne sombre tracée par les sapins géants. Nous regardions cet extraordinaire spectacle, muets, extasiés, prêts à croire que nous avions atteint les limites du monde des humains et nous trouvions au seuil de celui des génies. »
Enfin en février 1924, Alexandra David-Néel accompagnée d’Aphur Yongden pénètrent à Lhassa en proclamant la phrase rituelle (« Lha gyalo, Dé Tamtché pham !… Les dieux triomphent, les démons sont vaincus ! « )! Aujourd’hui encore les pèlerins chantent ces mots lorsqu’ils franchissent un col dans les montagnes himalayennes.
Une marche de quatre mois à travers de hautes montagnes himalayennes, un périple clandestin d’environ 2 000 km, un exploit fantastique qui la rendit célèbre dans le monde entier. Ils vont rester 2 mois à Lhassa où ils visitent la ville sainte, le Potala et les grands monastères bouddhistes lamaïstes environnants : Drépung, Séra, Ganden, Samye… sans y être démasqués, se risquant même à se faire photographier devant le Potala, pour apporter la preuve de leur exploit.
« Je quittai Lhassa aussi paisiblement que j’y étais arrivée sans que personne se fût douté qu’une étrangère y avait vécu au grand jour pendant deux mois ».
Elle finit par retourner en Inde où elle embarque le 6 février 1925 pour l’Europe afin, entre autres, de faire publier ses récits.
De retour en France toujours accompagnée d’Aphur Yongden son fidèle compagnon d’aventures qui va devenir légalement son fils adoptif, elle publie son récit le plus célèbre « Voyage d’une Parisienne à Lhassa » qui parait en 1927 en France et aux États-Unis. C’est un grand succès d’édition qui lui vaut tout de suite une grande célébrité internationale.
Riche et célèbre, en 1928 elle s’installe dans une maison à Digne-les-Bains dans les Alpes de Haute-Provence qu’elle baptise « Samten-Dzongou » (forteresse de la méditation). Elle y écrit plusieurs livres relatant ses différents voyages, entretient son jardin…
Pendant une dizaine d’années, elle continue ses recherches, donne des conférences en France, en Europe et aux États-Unis. Mais la vie d’aventure et l’Asie lui manque et, en 1937 avec son fils, elle repart en Chine en empruntant le Transsibérien. La Seconde Guerre mondiale éclate, elle restera en Chine avec Yongden pendant 9 ans.
En 1946, ils rentrent de nouveau à Digne, son « Himalaya pour lilliputiens » comme elle l’appelle ! Elle continue à écrire beaucoup, elle travaille 16 heures par jour malgré son âge. Lorsque des visiteurs viennent lui demander des conseils, ses réponses sont toujours, parait-il, empreintes de sagesse et d’autorité. Yongden meurt en 1955 et Alexandra se retrouve seule.
À la fin de ses jours, elle fut accompagnée par Marie-Madeleine Peyronnet qu’elle surnomme « la Tortue » qui va s’occuper d’elle et de sa maison pendant une dizaine d’années. Elles ont même comme projet d’effectuer un tour du monde en 4CV ensemble ! Elle va jusqu’à renouveler son passeport à l’âge de 100 ans !
Elle décède peu de temps après, en septembre 1969, à presque 101 ans. Ses cendres et celles de Yongden voguent désormais dans le Gange.
Cette voyageuse intrépide à l’esprit libre et doué d’un réel talent d’écriture laisse une œuvre qui ne cesse d’être rééditée. Elle a su transmettre sa passion de l’Orient dont elle fit connaître les coutumes et les religions à de nombreuses générations.
Planète Découverte vous propose d’aller sur les traces d’Alexandra David-Néel en Chine au Tibet et au Népal, et même si le Tibet n’est plus celui d’Alexandra et quelle que soit sa situation géopolitique, le Tibet demeure le Tibet, un pays toujours fabuleux !
Pierre