Le Hangeul : quand les lettres racontent la Corée !
« Un peuple qui ne peut écrire sa langue est un peuple sans voix ». Roi Sejong le Grand (세종대왕)

Lorsque l’on pense à la Corée du Sud, on imagine souvent Séoul ou Busan et leurs gratte-ciel futuristes, les rythmes effrénés de la K-pop, l’innovation technologique de ses marques bien connues à travers le monde…, mais derrière cette modernité vibrante se cache un trésor plus discret, tout aussi fondateur : le Hangeul (한글) l’alphabet national. En Corée, c’est dans la courbe d’un trait ou dans l’équilibre d’une syllabe que se révèle l’essence même de la culture. Le Hangeul n’est pas seulement un système d’écriture c’est une philosophie, une vision du monde…

Au XVe siècle, sous la dynastie coréenne Joseon, le savoir circule uniquement en chinois classique (le hanja), une langue réservée à une élite et aux lettrés. Pendant que la population, elle, reste privée d’écriture. Le roi Sejong le Grand (1397- 1450), observe cette injustice linguistique et va éprouver le désir de changer les choses. Ainsi en 1443, il va entreprendre la création d’une écriture logique et accessible. L’objectif est avant tout humaniste : offrir à chaque Coréen la possibilité d’exprimer sa pensée. Pour cela, il va s’entourer de savants et concevoir le Hunminjeongeum « les sons corrects pour l’instruction du peuple».
Chaque consonne imite la position de la langue ou de la bouche, chaque voyelle reflète une cosmologie fondée sur le ciel (•), la terre (—) et l’Homme (|).
Ainsi naquit le Hangeul : un des rares alphabets au monde dont l’origine, l’auteur et la philosophie sont parfaitement connus.
Moderne avant l’heure, le Hangeul est de nos jours considéré comme l’un des systèmes d’écriture les plus scientifiques, les plus logiques et les plus rapides à apprendre.
L’histoire du Hangeul aurait pu s’interrompre dès sa naissance. En effet, l’élite confucéenne de l’époque, attachées au prestige des caractères chinois, rejette la capacité égalisatrice d’une écriture accessible à tous. Le Hangeul est méprisé, parfois même interdit. En parallèle, dans les foyers, les femmes, les enfants et les lettrés progressistes continuent de l’utiliser. Il devient l’outil d’une culture de résistance « silencieuse ». Par exemple, en 1504, sous le règne du roi Yeonsangun, il est même interdit, car le souverain craignait que le peuple utilise cette écriture pour le critiquer. Au début du XXᵉ siècle, sous l’occupation japonaise, l’alphabet coréen n’est pas complètement banni, mais il a été fortement opprimé (comme tout ce qui touche à l’identité coréenne). Pourtant, de génération en génération, il survit et continue d’être transmis dans les écoles clandestines, dans les maisons, dans les livres, dans les chants et dans les prières.
Avec la libération (de l’occupation de l’empire du Japon) de 1945, le Hangeul renaît. Trois ans plus tard, en 1948, il devient l’écriture officielle de la République de Corée, symbole d’une nation qui retrouve sa voix.
Aujourd’hui, il est reconnu par l’UNESCO comme chef-d’œuvre du patrimoine documentaire mondial, preuve de son importance historique et culturelle.
Chaque 9 octobre, la Corée du Sud célèbre le Hangeulnal (한글날), la Journée du Hangeul. C’est un jour férié, un moment de fierté nationale. Les rues se parent de décorations colorées, les écoles organisent des concours de calligraphie, les musées exposent des manuscrits royaux et des installations inspirées par l’alphabet.
Pour les voyageurs, c’est l’un des plus beaux moments pour découvrir la culture coréenne et ressentir l’attachement profond du pays à son écriture.
Le Hangeul repose sur un principe simple et harmonieux : chaque syllabe s’inscrit dans un carré parfait. Cette structure visuelle traduit la recherche d’équilibre de la philosophie coréenne.
Le Hangeul compte 40 lettres, appelées jamos (자모) — littéralement « caractères-mères ». Ces jamos se répartissent en quatre groupes :
- 14 consonnes de base (자음)
- 5 consonnes doubles, plus appuyées (쌍자음)
- 10 voyelles de base (모음)
- 11 voyelles composées, créées en combinant les voyelles simples (복합모음)
À partir de ces 40 signes, les Coréens construisent toutes les syllabes de leur langue (le chinois traditionnel utilise des dizaines de milliers de caractères, mais seulement quelques milliers sont couramment utilisés). Un système étonnamment logique, intuitif et plus rapide à apprendre.
Les consonnes et les voyelles s’assemblent avec une fluidité presque musicale.
Trois lettres suffisent à le démontrer :
- ㄱ → g/k
- ㅏ → a
- ㄴ → n
Ensemble, elles forment 간 (gan).
Un mot singulier aux doubles significations : « simple » et « assaisonnement salé ».
Une belle métaphore du Hangeul, à la fois accessible et savoureux, minimaliste, mais nuancé.
Apprendre le Hangeul, c’est apprendre bien plus qu’un alphabet :
c’est entrer dans la logique de la pensée coréenne, où chaque élément trouve sa place et où l’harmonie naît de l’assemblage.

Loin d’être figé, le Hangeul continue d’évoluer. Dans la Corée contemporaine, on le retrouve partout : sur les enseignes lumineuses des quartiers branchés, dans les collections de mode, dans le design graphique et la typographie contemporaine, dans les sous-titres des dramas et les paroles de K-pop.
Les jeunes créateurs coréens – designers, artistes, typographes – s’en emparent comme d’un matériau à part entière.
Pour beaucoup d’étrangers, la découverte du Hangeul devient même une étape de leur voyage en Corée, une porte d’entrée vers la culture locale.

Le Hangeul est une raison de plus de se rendre dans ce pays encore méconnu qui a décidément beaucoup de choses à nous apprendre… Alors suivez-nous dans un des voyages proposés par Planète Découverte en Corée !
« Les lettres sont les traces du cœur » Proverbe coréen.
한국의 한글
Pierre
