Rivière Tsiribihina en pirogue à Madagascar
Rivière Tsiribihina en pirogue à Madagascar
Depuis notre atterrissage à Antananarivo, l’ancienne Tananarive que tout le monde ici appelle Tana, nous avons parcouru les hauts plateaux en suivant la Nationale 7, traversé Antsirabe qu’on appelle la «Vichy malgache», pour arriver à Miandrivazo, prononcer Miandrivaze, une bourgade tropicale du bout du monde dont le nom signifie : «J’attends une femme»! Nous sommes en pays Sakalava, « Les gens de la longue plaine », le royaume sakalava s’étend sur tout le long de la côte occidentale du pays.
Miandrivazo c’est aussi pour nous le point de départ de notre aventure : la descente en pirogue de la rivière Tsiribihina! Nous passons la nuit dans une auberge nommée «le gite de la Tsiribihina» tenue par un médecin français qui part régulièrement en brousse soigner les populations locales.
Après une soirée dans un bar local extrêmement typique qui sert du rhum qui doit faire plus de 70°, sur des airs joyeux de musique tsapiky; on doit se réveiller tôt le matin pour commencer notre aventure. Mais, avant le départ, il faut avec le chef des piroguiers aller s’enregistrer à la mairie, à la police et dans d’autres endroits plus étranges! Ces procédures administratives peuvent prendre un certain temps! Il faut ici remplir des formulaires avec beaucoup de cachets, y mettre énormément de tampons et y imposer des signatures de plusieurs personnes qu’il faut trouver à travers le village. Après une heure ou deux de jeux de piste et de remplissage de paperasse un peu surréaliste, on embarque sur les pirogues, 3 ou 4 personnes par pirogue en comptant le piroguier.
Notre «flotte» se compose de 5 pirogues où sont repartis, nous ,les piroguiers «explorateurs» d’occasion et les piroguiers de profession, les sacs de voyage et les tentes; plus la pirogue de la cuisinière où est embarqué son stock complet de nourriture pour trois jours, avec des poules et des canards. Il faut dire que notre descente de la rivière va durer 3 jours et 3 nuits et que pendant toute la descente il n’y a ni restaurants, ni épicerie, ni téléphone pour se faire livrer, juste quelques rares petits villages où les gens vous regardent passer l’air parfois surpris, souvent amusé!
Embarquement!
Les journées sur la rivière Tsiribihina se passent ainsi : réveil vers 6h30, petit déjeuner (café ou thé, toasts, fruits, biscuits …) au bord de l’eau, démontage des tentes et embarquement sur nos pirogues respectives, on rame, on rame et on rame, puis on arrête de ramer laissant aux piroguiers professionnels le soin de remplir cette tâche (il faut dire que l’on fait tous l’expérience que la différence entre le moment où l’on rame et le moment où seulement le piroguier rame ça ne change pas grand-chose, la pirogue va aussi vite, ce qui est dur pour le moral!
Vers 12h30 arrêt pique-nique sur les bords de la rivière, re-pirogue, observations, lectures, siestes, on rame aussi pour faire du sport et bonne figure, éventuelles batailles navales entre les différentes embarcations en évitant d’arroser la pirogue-amiral (s’il vous plait), sous l’œil un peu désabusé des piroguiers malgaches qui en ont vu d’autre! 17 h, on débarque sur une des plages du fleuve, montage des tentes, baignades dans le fleuve, balades et farniente en attendant l’apéro (à base de rhum arrangé ou pas, qui ne manque jamais sur les pirogues!). On admire les couchers de soleil et c’est l’heure du diner (toujours succulent) préparé par notre cuisinière. Veillée autour d’un feu en musique (les piroguiers sont aussi musiciens) sous le grandiose ciel étoilé, nuit sous les tentes. Le lendemain on remonte sur les pirogues. A ce moment, je ne peux m’empêcher de jeter un coup d’œil aux canards qui ont l’air de s’inquiéter de la disparition de leurs consœurs gallinacées !
Cela peut sembler un peu monotone, mais les paysages pendant ces 3 jours sont très changeants et superbes, d’abord des plaines dominées par la chaine montagneuse du Bongolava, puis des forêts primaires tropophiles («l’un des quatorze grands biomes terrestres, on y retrouve les forêts tropicales et subtropicales sèches où la végétation de type caduc est omniprésente lors de la saison sèche…»!!! selon le dictionnaire, mais selon moi c’est une sorte de forêt tropicale qui n’a pas subi les transformations humaines), ensuite des falaises abruptes et des gorges encaissées, qui se succèdent sous nos yeux de rameurs amateurs ébahis. On observe également de nombreux oiseaux aquatiques ou non (martin pécheurs, coucal, coucou malgache, aigrettes, milan noir, aigle, héron, canard à bosse …), des chauves-souris suspendues la tête en bas dans les arbres, des caméléons que l’on aperçoit sur les roseaux malgré leur camouflage naturel, des lémuriens qui sautent d’arbre en arbre de différentes espèces (propithèque de verreaux, lémur fulvus..) et, vers la fin du parcours, il peut y avoir (personnellement je n’en ai jamais vu ici) des crocodiles!
Et comme surprise, le deuxième jour au cours d’un arrêt : on effectue une balade dans la forêt «tropophile» qui aboutit après ¾ d’heure de marche à une cascade de type paradisiaque, avec un petit lac où l’on peut nager après avoir pris une douche naturelle sous la cascade ! C’est là aussi que l’on refait les réserves d’eau potable.
Cette descente de la rivière Tsiribihina qui s’étale sur 150km (50 km par jour de «pagayage» dans le sens du courant, détail important!) est en fait trois jours d’émerveillement loin de tout en totale autonomie, loin de notre société de consommation (juste un téléphone satellite en cas d’urgence).
On finit par arriver (car tout à une fin) à un banc de sable blanc et au débarcadère de Tsaraoutane. Ce petit village de l’ethnie Vezo (dont le nom qui signifie ramer!) possède une épicerie de type brousse, nous semble être une grande surface et le retour au monde du consumérisme!
Le lendemain matin nous quittons les piroguiers que nous saluons avec émotion. Le travail pour eux n’est pas fini, car ils doivent remonter la rivière contre le courant cette fois-ci, mais sans passagers jusqu’au point de départ, Miandrivazo. Outre leur paye, bien sûr, il est coutume de leur offrir deux bouteilles de rhum à chacun, pour sceller l’amitié.
Après les pirogues, nous faisons une balade en charrette à zébus, pour rejoindre le village d’Antsiraraka, l’endroit où il est convenu d’un rendez-vous avec des 4X4. J’ai toujours une certaine inquiétude à ce moment-là, car s’ils ne venaient pas au rendez-vous fixé quelques jours plus tôt, que ferions-nous, ici au milieu de nulle part (enfin pour nous)! C’est très beau, cet endroit parsemé de grands baobabs majestueux, mais bon! Mais ils arrivent et l’on embarque cette fois-ci dans ces véhicules motrices des 4 roues pour la suite de notre aventure malgache…
Pierre