Le col Torugart voyage Chine-kirghizistan, 2 mondes différents.
L’aventure du passage de la frontière au col Torugart sur notre voyage Chine- Kirghizistan sur la « Route de la soie« .
Sur notre voyage Chine-Kirghizistan notre périple «sur la route de la Soie» commence par le Kirghizistan et continu vers la Chine et le pays des Ouïghours, province autonome chinoise du Xingjiang ou Turkménistan chinois. Pour cela, il faut franchir la frontière sino-kirghize via le mythique col de Torugart à 3 752 m d’altitude.
Depuis le caravansérail de Tash Rabat, où nous avons passé la nuit dans des yourtes au cœur d’une nature montagneuse sauvage et magnifique du Kirghizistan, nous partons continuer notre voyage tôt le matin pour la Chine et les monts Célestes (Tian Shan).
Cette région d’Asie centrale et ce col ont vu passer, depuis la route de la soie, des peuples en tous genres et de tous horizons, tant des marchands chargés de produits divers et variés, des guerriers comme Gengis Khan ou Tamerlan, que des voyageurs comme Marco Polo ou Xuan Zang. Au XIXe siècle les Russes et les Anglais s’y disputèrent la région et ce col dans un conflit appelé par R. Kipling «le Grand Jeu», ensuite ce fût la frontière entre le monde soviétique et le monde communiste chinois puis maintenant une frontière entre des peuples d’Asie centrale.
Ce matin, la route, qui d’ailleurs ressemble souvent plus à une piste,
est grandiose. Il y a un très beau ciel bleu, pur, sans nuages (ce qui était presque inespéré après une nuit de neige) et l’on peut admirer ces paysages de plaines dénudées bordées de montagnes aux sommets enneigés du Kirghizistan.
Au bout de 2 h30 de route, et une centaine de kilomètres plus tard, on arrive au premier poste frontière kirghize, il y en a 2 côtés Kirghize et 3 côtés chinois ! Il faut savoir qu’il est pratiquement impossible et fortement déconseillé de franchir cette frontière vers la Chine sans l’aide d’une agence de voyages kirghize et de là il faut qu’un véhicule chinois vienne vous chercher, car les véhicules kirghizes avec des touristes ne peuvent pas franchir la frontière (il en est de même pour le bus de ligne) ! Son franchissement, de plus, n’est sûr qu’entre fin mai et septembre. Nous avons donc choisi la solution de louer à une agence kirghize un minibus, en fait un camion aménagé (il faut ça sur les routes de hautes altitude au Kirghizistan) pour des touristes datant de l’époque où les Soviétiques contrôlaient le pays, c’est un camion «Oural» avec un chauffeur d’origine russe, nommé Igor. Après le passage du deuxième poste frontière kirghize, on parcourt, toujours avec notre camion, les 3 kms qui nous séparent encore du fameux col. Là on rencontre une barrière qui est le symbole physique de la frontière, le camion doit s’arrêter et on doit attendre le minibus chinois. Une certaine inquiétude me taraude, car le minibus chinois n’est pas là, il faut savoir qu’à cet endroit nous sommes dans un «no man’s land»,notre voyage au Kirghizistan prend fin et on ne peut pas y retourner, nos visas sont échus puisque le dernier poste frontière nous a tamponné notre passeport avec le cachet de sortie du pays ! Donc si le minibus chinois ne vient pas on ne peut ni passer la frontière ni revenir au Kirghizistan !!! Et, chose curieuse, il n’y a aucun réseau pour les téléphones portables !
Mais le minibus chinois finit par arriver, et le voyage continuer !
Il faut savoir aussi qu’en franchissant cette frontière, c’est à la fois un passage terrestre, mais aussi temporel, car en franchissant cette barrière, il y a 2 heures de différence ! Car dans toute la Chine des côtes de la mer de Chine au fin fond du Xinjiang, et malgré trois fuseaux horaires, tout le monde est à l’heure de Pékin (Beijing time). Là encore, quand on réserve le minibus chinois qui vient nous chercher, il ne faut pas se tromper d’heure et bien préciser «Beijing time», soit 2 heures de plus qu’au Kirghizistan.
Vient alors le moment de dire au revoir à notre chauffeur Igor et son camion Oural, de changer de véhicule et d’univers.
On embarque donc dans un minibus chinois avec un chauffeur Ouïghour et un guide Han francophone venu nous aider à franchir les étapes «administro-douanière». Le minibus suffit d’ailleurs car notre circuit Chine-Kirghizistan est en petit groupe.
Arrêt à la première douane chinoise, on a droit à une fouille en règle de nos bagages, les douaniers regardent d’un œil plein de reproches la 4éme de couv, le recto de mon guide «Lonely Planet Chine» où sur la petite carte de la Chine qui y est dessinée, Taïwan n’est pas de la même couleur que le reste du pays ! Pour les Chinois, Taïwan, c’est la Chine. Après pas mal de palabres entre le douanier et notre guide «passeur de frontières» et le fait que je montre au douanier que le guide Lonely Planet est imprimé en Chine, la décision tombe, je peux garder mon Lonely Planet ! (J’en connais qui ont dû arracher la couverture!)
On continue notre voyage, la route devient meilleure, asphaltée et plus large, le paysage lui aussi change après les jolies montagnes verdoyantes kirghizes, on découvre un panorama de terrain gris et désolé, parsemé de pelleteuses pour le dompter.
Une dernière douane (la 5éme depuis ce matin), une grande avec contrôle des passeports, tampons d’entrée en Chine, questionnaire de santé et prise de la température corporelle (pas de malades en Chine!).
Nous avons passé toutes les épreuves avec succès !
Nous sommes partis de Tash Rabat enneigé à 7h, passé 5 postes frontière, 2 cols à plus de 3000 mètres et nous avons parcouru 260 kms de piste et de route, etc. Et, après notre sortie du 3éme poste de douanes chinois, il est 16h (heure de Pékin!), il fait plus de 30° et il nous reste plus que 60 kms pour atteindre la mythique Kashgar. Cette ville Ouïghour est, depuis des siècles une étape importante de la route de la soie, aussi renommée pour son étonnant Grand Bazar du dimanche où marchands et paysans Ouïghours, Kirghizes, Ouzbeks, Tadjiks et Hans viennent vendre et acheter toutes sortes de choses (animaux, vêtements, ustensiles …), depuis bien avant que Marco Polo passe par là et encore de nos jours, pour le plus grand plaisir des voyageurs.
Pierre B